Projets gagnants – Grand Prix Images Vevey 2025/2026

Le Jury du Grand Prix Images Vevey 2025/2026 s’est réuni à Vevey pour attribuer les prix et mentions aux photographes ayant participé aux concours internationaux de photographie organisés par la Biennale Images Vevey. Entre le Grand Prix Images Vevey, le Prix du Livre Images Vevey et les différentes mentions, la Fondation Vevey ville d’images distribue plus de CHF 70’000.– de bourses de création tous les deux ans.
Les projets lauréats seront présentés en première internationale lors de la prochaine Biennale Images Vevey, du 5 au 27 septembre 2026.

Abdulhamid Kircher

(DE/TR) 1996
Untitled (TBA)

GRAND PRIX IMAGES VEVEY 2025/2026

Le nouveau projet photographique d’Abdulhamid Kircher s’intéresse aux blessures héritées et à la masculinité générationnelle à travers un travail autobiographique et intime. En mêlant portraits, archives et scènes du quotidien, il documentera des duos père-fils à travers la Turquie lors de tournois traditionnels de lutte à l’huile. Le projet interroge l’identité, la tendresse, et la possibilité d’un amour paternel dans des contextes culturels où l’expression émotionnelle est souvent réprimée.

DÉCLARATION DU JURY

Le Jury du Grand Prix Images Vevey 2025/2026 est fier de décerner à l’unanimité le Prix à l’artiste germano-américain Abdulhamid Kircher pour le prochain chapitre de son projet puissant et ambitieux, Rotting from Within.

Menée sans détour, cette enquête visuelle autour de la relation complexe entre le photographe et son père éloigné a profondément marqué le Jury par sa constance artistique, son ambition et sa profondeur émotionnelle. S’appuyant sur l’histoire familiale transnationale de l’artiste, le projet aborde des thématiques universelles telles que les traumatismes intergénérationnels, la construction de la masculinité, la paternité et les liens affectifs entre hommes, souvent tus ou invisibles.

Aucune image du projet proposé n’existe à ce jour. Et c’est précisément cette prise de risque qui fait la singularité du Grand Prix Images Vevey. Ce prix soutient une vision en devenir, une recherche artistique sincère, évolutive et complexe, portée par une voix forte et singulière.

Dans ce nouveau chapitre de son travail au long cours, Abdulhamid Kircher tourne son regard vers les dynamiques père-fils dans le contexte de la lutte traditionnelle turque à l’huile. En s’immergeant dans une culture profondément marquée par les rituels masculins, l’artiste cherche à révéler les gestes d’affection discrets, les instants fugaces d’intimité et les émotions enfouies qui émergent au sein de ces espaces hautement codifiés et performatifs.

« Je me demande souvent à quoi ma vie aurait ressemblé si j’avais été exposé à ce type d’amour de la part de mon père ou de toute autre figure masculine de ma famille », écrit Kircher.

Le Jury a salué le courage de ce projet à venir, son énergie brute, la clarté de sa vision artistique et la remarquable capacité de l’artiste à naviguer entre différents registres photographiques.

En tant que prolongement percutant de son impressionnant premier chapitre, Rotting from Within, ce nouveau volet s’annonce comme une œuvre pertinente, dense, résolument contemporaine et riche en strates narratives – réfléchie dans sa mise en œuvre et puissante dans ses thématiques. Il confirme Abdulhamid Kircher comme l’une des voix émergentes les plus prometteuses de la photographie contemporaine.

Abdulhamid Kircher dispose d’un an pour réaliser ce nouveau projet, avec le soutien financier et logistique d’Images Vevey. L’œuvre sera présentée en première mondiale à la 10e Biennale Images Vevey en septembre 2026.

Stacy Kranitz

(US) 1976
Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down

PRIX DU LIVRE IMAGES VEVEY 2025/2026

Le nouveau livre de Stacy Kranitz examine l’évolution de la représentation des habitant·es des Appalaches, en retracant comment la pauvreté dans cette région a été construite, remise en question et réimaginée au fil du temps. À travers des archives historiques, des essais critiques et des images contemporaines, l’ouvrage explore comment la photographie a servi tour à tour de témoin de la misère, d’outil de propagande, d’instrument d’oppression et parfois de vecteur de rédemption.

DÉCLARATION DU JURY

Le Jury est heureux de décerner à l’unanimité le Prix du Livre Images Vevey 2025/2026 à Stacy Kranitz pour sa maquette de livre intitulée Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down.

Stacy Kranitz est née dans le Kentucky et vit actuellement dans les montagnes Appalaches, à l’est du Tennessee. Son projet séduit par sa force narrative, sa profondeur historique et une rare capacité d’empathie. En retraçant plus d’un siècle de représentations photographiques des Appalaches, Kranitz propose une réflexion à la fois critique et émouvante sur le rôle de la photographie dans la construction des perceptions sociales de la pauvreté et des classes populaires.

Le Jury a été particulièrement sensible à la dignité et à la justesse avec lesquelles l’artiste raconte l’histoire d’un homme et, à travers lui, celle d’une communauté marginalisée dans son ensemble. Plutôt que de renforcer les stéréotypes, elle les déconstruit avec rigueur, grâce à un jeu subtil entre archives, photographies contemporaines et témoignages personnels.

La maquette de livre remise au Jury s’est distinguée par la promesse d’un travail cohérent et réfléchi, son actualité brûlante, et son engagement fort face à une longue histoire d’invisibilisation et de malentendus. Elle pose des questions inconfortables mais nécessaires sur le pouvoir, les préjugés et la responsabilité du regard, réaffirmant l’engagement durable de Kranitz pour une pratique photographique à la fois exigeante sur le plan esthétique et profondément ancrée dans les enjeux sociaux.

« Mon projet est une exploration du rôle éthique de la photographie », écrit Stacy Kranitz, « qui appelle à une compréhension plus profonde de la classe sociale, de l’histoire et de la pauvreté générationnelle. »

Stacy Kranitz dispose désormais d’un an pour finaliser sa maquette et mener le projet à sa publication, avec le soutien financier et logistique des Éditions Images Vevey. Le livre terminé, ainsi que le projet, seront présentés à la prochaine Biennale Images Vevey en septembre 2026.

Kata Geibl

(HU) 1989
Something Old, Something New, Something Borrowed, Something Blue

GRAND PRIX IMAGES VEVEY 2025/2026 – MENTION SPÉCIALE

En mêlant photographie, croquis et intelligence artificielle, Kata Geibl explore les liens entre inconscient, souvenirs et technologies, dans un travail introspectif et poétique. Ce projet personnel interroge la manière dont nous rêvons, construisons du sens et communiquons par l’image à l’ère numérique.

DÉCLARATION DU JURY

Le Jury du Grand Prix Images Vevey 2025/2026 a décidé d’attribuer une mention spéciale à Kata Geibl pour son projet Something Old, Something New, Something Borrowed, Something Blue.

En s’appuyant sur des souvenirs, des rêves récurrents et des relations personnelles, l’artiste compose une série d’images mêlant photographie argentique, croquis et intelligence artificielle pour explorer la manière dont nos pensées inconscientes influencent nos vies.

Le Jury a salué l’originalité d’une approche où l’introspection devient un dialogue entre imagination, récit personnel et nouvelles technologies. En assumant la tension entre maîtrise et lâcher-prise – entre intention artistique et imprévisibilité algorithmique – le projet propose une réflexion subtile sur la façon dont nous rêvons, construisons du sens et communiquons à travers les images à l’ère de l’IA.

Kata Geibl écrit : « À 12 ans, ma mère, excédée par mon silence, a fini par crier : “Pourquoi tu ne parles pas, comme toutes les personnes normales ?” J’ai simplement répondu : ‘Au lieu de parler, j’ai des images dans la tête.’ Avec ce nouveau travail, ma mère verra enfin les images dont je parlais. »

Poétique, analytique et visuellement saisissant, ce projet profondément personnel évoque aussi le lien de l’artiste avec sa mère et son enfance. Il sera présenté en première à la Biennale Images Vevey en septembre 2026.

Pacifico Silano

(US) 1986
Undercover Pleasures

GRAND PRIX IMAGES VEVEY 2025/2026 – MENTION SPÉCIALE

Inspiré par son histoire personnelle, Pacifico Silano y mêle mémoire familiale, identité queer et héritage de la crise du sida à travers la reconstitution immersive de l’ancien sex-shop de ses parents. Ce projet sensible et audacieux rend hommage à son oncle disparu et à sa mère, tout en interrogeant la perte, la sexualité, la résilience et les stéréotypes liés aux espaces queer.

DÉCLARATION DU JURY

Le Jury a décidé d’attribuer une mention spéciale à Pacifico Silano pour son projet Undercover Pleasures, qui s’est distingué par sa force, sa pertinence et sa grande générosité émotionnelle.

S’appuyant sur un récit profondément personnel, mêlant identité queer, mémoire familiale et héritage de la crise du sida, Silano propose de reconstruire une partie de l’ancien sex-shop de ses parents sous forme d’installation immersive. Cet hommage émouvant à son oncle disparu et à sa mère explore des thèmes tels que la perte, la sexualité et la résilience, en requalifiant un espace stigmatisé en lieu de sécurité et de mémoire.

Le Jury a été frappé par la sincérité et la complexité de cette proposition, qui tisse un récit intime tout en ouvrant une réflexion plus large sur l’homophobie, l’intimité et la culture visuelle. Undercover Pleasures est un geste de réappropriation audacieux et subtil à la fois, qui défie les préjugés à travers une approche sensible et visuellement puissante.

« En reprenant tous les thèmes que j’ai explorés autour du deuil, de la sexualité et de l’identité, je prévois de recréer certaines parties du magasin de mes parents, Undercover Pleasures, et de les fusionner avec mon travail sur le VIH/sida, l’identité gay et mon enfance singulière. Cette installation sera une manière de rendre hommage à la fois à mon oncle défunt et à ma mère, dont le sacrifice est resté inaperçu de son entourage. »

Œuvre en cours aussi surprenante que prometteuse, elle sera présentée en première lors de la Biennale Images Vevey en septembre 2026.

Mario Wezel

(DE) 1988
Interstellar Nights

IMAGES VEVEY BOOK AWARD 2025/2026 – MENTION SPÉCIALE

À travers des images thermiques captées de nuit, Mario Wezel documente le sevrage de son enfant, transformant le lit parental en un paysage interstellaire sensible et silencieux. En détournant une technologie associée à la surveillance, Wezel crée un récit poétique et sincère sur le lien, l’épuisement et le soin.

DÉCLARATION DU JURY

Le Jury a attribué une mention spéciale à Mario Wezel pour sa maquette de livre Interstellar Nights, une exploration de la paternité à la fois profondément intime et visuellement innovante. À l’aide d’une caméra thermique, l’artiste documente le processus de sevrage de son deuxième enfant sur cinq nuits consécutives, capturant avec une grande délicatesse la chorégraphie émotionnelle et physique que suppose le quotidien parental.

Le Jury a été particulièrement sensible au rythme cinématographique de la mise en page proposée, ainsi qu’à l’usage de l’imagerie thermique – une technique plus souvent associée à la surveillance ou aux conflits politiques, notamment dans les contextes migratoires ou militaires. Dans Interstellar Nights, cette technologie est détournée pour révéler l’un des espaces les plus intimes qui soient : le lit familial, transformé en un paysage interstellaire poétique, où gravitent en silence le lien, l’épuisement et le soin.

« Notre lit se transforme en un espace interstellaire où mère, père et enfant orbitent les uns autour des autres », écrit Wezel. « Reliés par une force gravitationnelle invisible, leurs trajectoires se réajustent et une nouvelle forme de proximité émerge. »

Ce projet se distingue par sa résonance émotionnelle, la clarté de son intention et sa contribution à un langage visuel plus sincère et contemporain autour de la parentalité. Il sera présenté sous forme d’installation immersive lors de la 10e Biennale Images Vevey en septembre 2026.

Karolina Wojtas

(PL) 1996
We can’t live – without each other

IMAGES VEVEY BOOK AWARD 2025/2026 – MENTION SPÉCIALE

À travers une maquette de livre en tissu aux allures d’objet pour enfants, Karolina Wojtas mêle photographie, humour absurde et expérimentation visuelle pour raconter la guerre douce-amère qu’elle mène avec son petit frère. Ce projet singulier transforme les tensions familiales en terrain de jeu sensoriel et artistique.

DÉCLARATION DU JURY

Le Jury a décerné une mention spéciale à Karolina Wojtas pour son projet We can’t live – without each other, une exploration brute, joyeuse et profondément singulière des relations fraternelles.

Dans sa maquette de livre pleine de fantaisie, Wojtas utilise la photographie, la manipulation numérique et un humour absurde pour raconter sa relation d’amour-haine avec son petit frère. Un récit très personnel qui trouve une portée universelle grâce à son honnêteté et à son audace.

Le Jury a été particulièrement frappé par l’énergie débordante et la forme inventive de la maquette. Souple, ludique et tactile, elle prend l’apparence inattendue d’un livre en tissu pour enfants, créant un contraste volontaire entre l’intensité brute des images et l’amour inconditionnel qui sous-tend les liens familiaux. En invitant au toucher, au rire, voire à des réactions proches de l’ASMR, l’objet offre une expérience physique de la fraternité – dans sa proximité, ses conflits et sa complexité.

Wojtas écrit : « Un petit frère est apparu un jour, et notre guerre a commencé. Nous avons décidé de documenter quelques-unes de nos batailles et de nos astuces, pour apprendre à tous les frères et sœurs du monde à se battre ! »

Audacieux dans son refus d’expliquer ou de justifier, We can’t live – without each other est à la fois une célébration et une provocation, une histoire d’amour déguisée en livre d’artiste bruyant, chaotique et absolument unique. En septembre 2026, la Biennale Images Vevey en proposera une installation immersive.